Serait-il temps d’envisager un processus de recrutement sans CV ? La reprise des embauches et une pénurie de main-d’œuvre persistante dans les métiers en première ligne sonneront-ils le glas du traditionnel Curriculum Vitae ? Pour tenter de recruter plus rapidement et mieux, les employeurs s’essayent à différentes méthodes d’évaluation des profils de candidats, et ils ont bien raison ! La question se pose : embaucher sans CV, bonne ou mauvaise idée ?

5 faits sur le CV

1. Il est chronophage

Du côté du candidat et du recruteur, le CV est gourmand en temps. Tout bon candidat adapte son CV à la fiche de poste avant de le déposer sur une plateforme de recrutement, en personne ou de l’envoyer par mail.

2. Il ne nous dit pas tout

En effet, le candidat y met ce qu’il veut, il peut être difficile ou chronophage de vérifier la véracité des informations. Tout comme on voit rarement les soft skills exposés dans un CV. D’ailleurs, il n’offre que 3% de prédiction du potentiel.

3. Il porte à confusion

Si la nuit tous les chats sont noirs, entassés dans une pile tous les CV se ressemblent. Le candidat renvoie rarement ses expériences au poste en question. Le recruteur n’a d’autre choix que d’user de critères types pour sélectionner les profils.

4. Il n’a rien d’extraordinaire

Le CV met difficilement en avant les profils atypiques qui pourraient avoir toutes les qualités pour le job. De plus, le CV court d’une page laisse peu ou pas du tout de place aux recommandations d’anciens employeurs indicatives du potentiel du candidat.

5. Il ne dessert pas une politique de diversité et d’inclusion

Le CV rassemble une quantité d’informations sujettes aux biais cognitifs (genre, état civil, photo, cursus d’études, adresse, etc). Un candidat sans expérience préalable dans le métier n’est pas forcément inadapté, ce n’est pas le CV qui fera état de ses softs skills et son potentiel ?

La détection de potentiel sans CV

Puisque le CV trouve de moins en moins son utilité dans le potentiel humain, d’autres modes d’évaluation se sont démocratisés. Les secteurs concernés par la pénurie de main-d’œuvre : la restauration, la logistique, l’énergie et la grande distribution, par exemple, comprennent des métiers sur lesquels on apprend “sur le terrain”. La montée en compétences se fait alors par l’expérience, le mentorat et l’immersion dans le métier. Dans ces cas, le candidat idéal sera plutôt quelqu’un qui monte facilement à bord de nouvelles méthodes et de processus situationnels.

Le questionnaire

L’option sans CV la plus évidente à ce jour est celle du questionnaire. Composé d’une trentaine de questions préparées par l’employeur, il invite le candidat à mettre en valeur ses motivations, exposer ses soft skills et défendre sa candidature. Petit bémol, cette option d’évaluation des candidatures peut s’avérer toute aussi chronophage que le tri de CV si les questions manquent de précision.

La méthode recrutement par simulation (MRS)

Cette approche qui ne date pas d’hier, sa première application de la MRS date des années 1990. Elle a notamment permis à Pôle Emploi d’accélérer les embauches en ciblant des compétences précises. Aujourd’hui, en se focalisant sur les soft skills ou mad skills développés au cours du parcours professionnel, mais aussi d’expériences personnelles, les recruteurs peuvent user du MRS pour inclure les demandeurs d’emploi de longue durée ou des candidats venant d’un autre secteur.

Un passage ludique via les réseaux sociaux

Certaines entreprises ont développé leur propre test de dépôt de candidature qui permet de faire une première sélection sans l’intervention des RH. C’est le cas de l’entreprise Toggl qui demande au candidat de se soumettre à un premier test sur Facebook. L’outil imaginé par l’entreprise se charge ensuite d’envoyer des réponses automatiques aux candidats qui ne remplissent pas les pré-requis, laissant le temps aux RH et recruteurs de se focaliser sur les profils retenus. Si cette option peut fonctionner aux États-Unis, le droit du travail français et la protection des données en Europe rendent cet exercice difficile dans nos contrées.

La candidature par vidéo différée

Ce format fait gagner du temps et place les candidats dans une posture plus confortable, ils peuvent la préparer et l’enregistrer sous un délai imparti. Les recruteurs et managers gagnent du temps et épluchent des vidéos plutôt que des CVs.

Le test de personnalité intelligent

Basé sur la méthode du recrutement prédictif, ce type de test va aller plus en profondeur qu’un CV pour faire émerger les motivations du candidat et ses soft skills. Basé sur un principe similaire au questionnaire, ensuite personnalisé par l’IA, l’exercice est enrichissant pour le candidat autant que pour le recruteur, car tous deux peuvent se rendre compte des traits de caractère, des motivations et des conditions de travail les plus adaptées à cette personne.

Parce qu’il n’y a pas que la notion de compétence

S’il offre une évaluation multidimensionnelle du candidat, le recrutement sans CV doit être déployé en tenant compte des typologies de candidats recherchées. Les reconversions et parcours atypiques accueilleront certainement avec entrain un mode de recrutement sans CV, tandis que les cadres à la carrière toute droite tracée risquent de préférer une mise en valeur “sur le papier”.

Avec le succès des recrutements par les soft skills et les méthodes d’évaluation des candidats axées sur la personnalité, le savoir-être et la motivation, le CV est bel et bien menacé d’obsolescence. Cependant, il faudra veiller à accorder les besoins de l’entreprise au processus de recrutement sans CV, qui peut lui aussi induire en erreur sans les bons paramètres. Il s’agit donc pour les RH et recruteurs de bien cadrer les prérequis du poste, tant en compétences recherchées que dans les conditions de travail dans lesquelles le candidat évoluera.

“Tout est changement, non pour ne plus être, mais pour devenir ce qui n’est pas encore, affirmait Épictète. Recruter sans CV est aujourd’hui sans doute plus efficace, cela dit, toutes ces nouvelles itérations du profil candidat ne se résument-elles pas à un CV d’un nouveau genre ?