Le leadership exécutif peine à se féminiser en France, nous ne comptons que 17% de femmes dans les Comex d’entreprises, alors que ce chiffre grimpe à 44,6% quand on s’intéresse aux conseils d’administration, sous l’impulsion des quotas imposés par la loi Copé-Zimmermann (nᵒ 2011-103 du 27 janvier 2011). L’accès au leadership relève de la QVT, management, possibilités d’évolution, accompagnement spécifique, comment réunir tous les ingrédients pour promouvoir la parité en entreprise ?
La parité dans le leadership, ralentie par la mentalité mais accélérée par la contrainte
Nombre d’employeurs considèrent encore la promotion d’une femme à un poste exécutif comme une prise de risque. Pourtant, la bonne performance des entreprises dirigées par des femmes n’est plus à prouver. Vous en doutez ? Une étude de la Skema Business School a montré un taux de croissance de 240% chez les 15 entreprises du CAC 40 qui comptent le plus de femmes, contre 43% pour l’ensemble des entreprises estampillées de cet indice.
Cependant, la mentalité des cadres dirigeants de nombre d’entreprises évoluant à vitesse d’escargot, les mesures contraignantes se sont multipliées pour ouvrir l’accès à des postes de leadership aux femmes. La loi Coppé-Zimmermann de 20211, l’Index d’égalité salariale homme femme en vigueur depuis plusieurs années et dernièrement une proposition de loi LREM. Dans le sillage de la loi Copé-Zimmermann, le projet de loi LREM présente l’imposition de quotas dans les directions des grandes entreprises. Selon la proposition, les entreprises de plus de 1 000 salariés devront compter au moins 30% de femmes parmi les cadres dirigeants et les instances dirigeantes d’ici 2027, et de 40% en 2030. Cette mesure inclut l’obligation de publier des écarts de représentation et une période de 2 ans pour se mettre en conformité en cas de non-respect, sous peine de se voir imposer une amende administrative de 1% sur les rémunérations et gains. Adopté dès sa première lecture par l’Assemblée Nationale, le Sénat vient de s’emparer de ce projet de loi le mois dernier, affaire à suivre.
Les quotas dans le leadership : bonne ou mauvaise idée ?
Le débat autour des méthodes pour atteindre l’égalité hommes femmes en entreprises fait rage. D’un côté, on se demande s’il vaudrait mieux pas laisser les entreprises libres de s’organiser comme elles le souhaitent ? Ou au contraire, couper court et imposer des quotas afin d’accélérer l’inclusion ? Quid des risques de représailles au Prud’hommes ? En effet, l’unique recours actuel pour remplacer un homme par une femme au Comex serait d’obtenir sa démission ou de le licencier. De l’autre côté, celles qui ont passé leur carrière à voir des opportunités leur échapper abondent dans le sens du projet de loi en évoquant un mal nécessaire. Après tout, la législation contraignante permet d’accélérer un mouvement déjà engrangé ces dix dernières années par la loi Coppé-Zimmermann. Ce serait aussi l’occasion pour les entreprises de mesurer l’efficacité de leurs processus de recrutement, de gestion des talents et leur QVT à l’échelle de ce nouvel impératif.
Comment la QVT soutient-elle la parité au Comex ?
Les quotas ne sont pas les seuls outils pour promouvoir la parité en entreprise. Mais tout d’abord, examinons les obstacles auxquels les femmes font face quand elles souhaitent accéder à des postes à haute responsabilité. Aujourd’hui, “faire carrière” s’oppose encore trop souvent au projet d’enfant. Cette croyance limitante découle d’un ensemble de facteurs professionnels (remplacement lors du congé maternité, organisation des équipes, manque de flexibilité des horaires, etc.) et personnels (déséquilibre de prise en charge des tâches liées au foyer, difficultés de garde d’enfants et pathologies liées à la grossesse). Que faire pour élaguer ce chemin semé d’embûches ?
Le télétravail, faux ami de l’égalité hommes femmes
L’égalité hommes-femmes, victime de la pandémie par le télétravail : le constat est tombé au sortir des confinements successifs. On a réalisé que le télétravail avait un impact néfaste sur la QVT des salariées. D’une part, selon une étude Ipsos – Boston Consulting Group, une salariée en télétravail est 1,5 fois plus susceptible d’être interrompue dans son travail qu’un homme. D’autre part, les femmes ont passé plus de temps sur les tâches ménagères et sur l’éducation de leurs enfants depuis le début de la crise sanitaire. De toute évidence, le télétravail contribue modérément à la parité dans les postes de leadership.
Les bons gestes pour soutenir la parentalité en entreprise
Une QVT favorable aux salariés parents doit incorporer la flexibilité d’horaires et un choix du lieu de travail (bureau, domicile ou coworking) permettant aux femmes d’organiser plus facilement leurs journées. En sybillin, il s’agit aussi d’adopter des modes de travail plus agiles face aux besoins du foyer et des imprévus. Un management souple, reposant sur la confiance et orienté sur le résultat, développe l’autonomie et donne de l’aplomb de prendre sa carrière en main. Une fois leurs preuves faites, celles qui le souhaitent auront davantage l’assurance pour briguer des postes de leadership.
L’allongement du congé paternité à 28 jours contribue à proposer plus de soutien aux femmes puisqu’un père plus présent soulage la mère, en particulier lorsqu’il s’agit d’un premier enfant. Faciliter l’implication des hommes dans la parentalité aide aussi les femmes à revenir de congé maternité dans des conditions plus favorables à la reprise d’un rythme de travail à temps plein. Une bonne pratique à instaurer est l’entretien de retour de congé paternité pour évoquer les aménagements nécessaires et déstigmatiser la volonté des salariés de partager les tâches avec leur conjointe.
Enfin, le projet de loi LREM prévoit également de garantir des places en crèche dédiées aux familles monoparentales, qui sont composées majoritairement de mères.
Tracer la voie vers le leadership, du recrutement à la promotion
Dès l’embauche, les RH et recruteurs peuvent détecter le potentiel des candidats à prendre la tête d’une équipe, d’un pôle ou encore de l’entreprise. En identifiant les soft skills favorables : la facilité à prendre des décisions, la résolution de problèmes complexes, l’empathie et l’ouverture d’esprit, entre autres. Le recrutement prédictif relève et mesure les traits de caractère, préférences de mode de travail et motivations à l’aide de tests psychométriques et s’alimente de l’IA. Ce mode d’évaluation qui se focalisant sur les compétences comportementales et les capacités décisionnaires aide à se défaire des biais cognitifs et l’entre-soi masculin qui font obstacle à la parité au sein du Comex. Car il est grand temps d’envisager l’égalité hommes-femmes comme force et non comme contrainte.
La parité via la reconnaissance
La reconnaissance s’exprime de différentes manières. Celle qui s’articule au quotidien et dont les femmes ont tant besoin doit provenir de l’intérieur de l’écosystème de l’entreprise. Là où ils sont passés sous silence, les contributions et les accomplissements des femmes doivent faire l’objet de communication de la part des managers, des pairs et des décideurs. Cela peut faire l’objet de mails hebdomadaires par exemple, un réflexe à adopter par les chefs d’équipe.
La boîte à outils du leadership paritaire
Il faut à tout prix outiller les femmes pour qu’elles puissent prendre leur place dans les instances dirigeantes et au Comex. Celles qui peinent à obtenir la reconnaissance pour leur travail doivent apprendre à exposer leurs accomplissements et à négocier l’équité salariale. D’autres accèdent à des postes de management sans trop y croire et n’osent pas demander de l’aide face à leurs nouvelles responsabilités. Dans un dossier dédié à la féminisation des instances dirigeantes, le cabinet de conseil Deloitte suggère d’accompagner les femmes pas à pas, surtout lors de la prise de responsabilités, par des programmes de coaching et le soutien d’un mentor ou d’un sponsor. La confiance en soi résultant de ces coups de pouce prépare le terrain vers un leadership plus assumé et donc plus durable.
Plus il y aura de rôles modèles, plus les femmes se sentiront inspirées et capables de prendre la main. En somme, l’action de déconstruire et éradiquer les biais de genre internalisés part d’une volonté collective. La parité au Comex relève de nombreux échelons à gravir et pour les encourager à emprunter le chemin du leadership, il faudra s’armer d’actions concrètes et surtout, rester à leur écoute.