Michelle Obama fut la première femme influente à publiquement aborder son sentiment d’illégitimité. Et pourtant, malgré son statut et sa reconnaissance internationale, elle doute de ses capacités à occuper un tel rang. Comme elle, des millions de femmes souffrent du syndrome de l’imposteur. Pourtant même si les hommes le subissent aussi, comment expliquer que ce phénomène touche principalement les femmes?

D’où vient le syndrome de l’imposteur et quelles en sont les conséquences ?

Le «syndrome de l’imposteur» est une expression qui décrit le fait de douter de ses capacités et de ne jamais s’attribuer les mérites de son travail. Les individus touchés par ce phénomène ont des difficultés à progresser et à obtenir des postes à responsabilités. Ils ne se sentiront jamais en mesure de les occuper alors qu’ils sont brillants et en ont les capacités.

Un syndrome qui touche surtout les femmes performantes

Le concept du syndrome de l’imposteur a été développé et étudié pour la première fois en 1978. Les résultats ont mis en lumière que ce phénomène touchait de manière disproportionnée les femmes très performantes

Ces conclusions ont généré de nombreuses pistes de réflexion pour solutionner le problème. Depuis les années 2010, on remarque un engouement autour du sujet :  des livres, méthodes, programmes et conférences visant à lutter contre le syndrome d’imposture chez les femmes.

Or toutes ces solutions se sont avérées inefficaces, car l’on s’attaque aux conséquences et non à la cause du problème ; les femmes doutent de leur réussite.

Pourquoi les femmes doutent-elles de leurs capacités ?

On retrouve deux mécaniques dans la construction de ce sentiment d’illégitimité

  • Ne pas se sentir aussi brillant.e ou intelligent.e que ce que l’on attend de nous.
  • Avoir une confiance en soi peu développée.  

Ce sont ces mécaniques qui impactent le plus les femmes, même si certains hommes souffrent aussi du syndrome de l’imposteur.

Les stéréotypes de genre renforcent le sentiment d’imposture

Depuis des siècles, le corps, le cerveau et l’intelligence des femmes sont remis en question, comme le souligne l’auteure Susan Griffin dans son essai. Elle y décrit un biais qui pousse les individus à penser que les capacités cognitives de haut niveau sont plus souvent présentes chez les hommes que chez les femmes.

Au-delà d’intégrer le fait qu’elles sont moins intelligentes depuis leur enfance, les femmes se voient répéter qu’elles ne font pas le poids à l’âge adulte. Depuis une dizaine d’années on commence à appréhender des concepts tels que :

  • Le manterrupting – qui désigne le comportement des hommes visant à couper la parole consciemment ou inconsciemment à une femme lors de discussions ou de débats en raison du genre de son interlocutrice
  • Le mansplaining – qui désigne une situation dans laquelle un homme explique à une femme quelque chose qu’elle sait déjà, voire dont elle est experte, souvent avec un ton paternaliste ou condescendant

Ces concepts sont très intéressants, car ils permettent de comprendre toute la complexité du syndrome de l’imposteur. C’est ne pas se sentir à la hauteur parce que la construction sociétale ne permet pas aux femmes de se sentir assez intelligentes et qu’on leur rappelle sans cesse que leur parole vaut moins que celle d’un homme.

La socialisation différenciée impacte la confiance en soi

La construction de la confiance en soi se forge dès l’enfance par nos instances de socialisation. La « socialisation différenciée » avec laquelle nous avons été éduqués ou nous éduquons encore nos enfants n’aide pas les petites filles à avoir confiance en elles.

Aujourd’hui ,on demande aux femmes de travailler sur leur confiance en elles et d’intégrer le fait qu’elles sont aussi intelligentes et capables que les hommes. Or, elles ont évolué dans un système qui leur a demandé d’intégrer qu’elles ne l’étaient pas et qu’elles travaillent dans un environnement qui leur répète qu’elles sont la variation et non la norme

Face à ces biais qu’elles subissent depuis l’enfance jusqu’au monde du travail, comment les femmes peuvent-elles se sentir à leur place ?

Les biais de genre empêchent la réussite des femmes

Le psychologue Tomas Chamorro-Premuzic a présenté ses études dans son TEDX «Pourquoi tant d’hommes incompétents deviennent leaders». Pour lui, la principale raison de l’inégalité des sexes aux positions de managers, c’est notre incapacité à discerner la confiance et la compétence. On assimile souvent à tort la confiance en soi à la compétence et au leadership. Les systèmes de recrutement et de promotion des leaders aujourd’hui sont donc biaisés. Des personnes incompétentes sont promues à des postes de direction au détriment de personnes compétentes qui sont majoritairement des femmes.

Privilégier la diversité et l’inclusivité en entreprise

En préservant le système actuel, on continue d’alimenter le doute des femmes envers leurs capacités. La solution pour vaincre le syndrome d’imposture est :

  • D’éviter de s’orienter vers la recherche de solutions individuelles face à des problèmes causés de manière disproportionnée par des systèmes discriminatoires globaux et bien ancrés.
  • De modifier notre représentation du leadership en diversifiant les personnes qui les incarnent. 

Tous les modèles de leaders ressemblent aux hommes et leurs compétences ou leur style de leadership sont rarement remises en question. Les femmes vivent l’expérience inverse, les préjugés et l’exclusion intensifient le sentiment de doute qu’elles peuvent ressentir face au leadership. 

En 2022, il est impératif pour les entreprises de réussir à créer un environnement qui favorise une variété de styles de leadership et dans lequel les diverses identités raciales, ethniques et de genre sont considérées comme tout aussi professionnelles que le modèle actuel décrit comme généralement « eurocentrique, masculin et hétéronormatif ». Ce ne sont pas les femmes qu’il faut changer, mais l’environnement qui les entoure.