La valorisation des femmes est un sujet qui a été abordé par le célèbre neuroscientifique transgenre Ben Barres. Il témoigne du traitement différent qu’il a reçu de la part de la communauté scientifique avant et après sa transformation. Il est l’un des premiers à mettre en lumière le sexisme en milieu scientifique. Son travail, qui restait pourtant le même, était jugé différemment en fonction de son genre. Comment se fait-il qu’un même travail puisse être catégorisé de moins bon s’il a été produit par une femme ? Quels sont les mécanismes en place qui nous donnent l’illusion que les hommes sont meilleurs

La valorisation du travail est encore genrée

Aujourd’hui, l’on remarque deux mécaniques qui activent la différenciation de jugement du travail effectué par un homme ou par une femme.

La valeur perçue des femmes

La mise en place d’une différence de valeur entre les sexes s’est faite il y a très longtemps. Selon la théorie de Françoise Héritier « la Valence différentielle des sexes», la construction hiérarchique place la femme sous l’homme. On y retrouve la nécessité pour les hommes de prendre le contrôle de ce qu’il leur est impossible de faire sans passer par le corps d’une femme : la reproduction. « Parce que les hommes n’enfantent pas directement avec leur propre corps, alors que les femmes enfantent des filles et des garçons, ils ont fait en sorte que les corps féminins soient à leur disposition. »

Cette différence de valeur a créé une suprématie du masculin sur le féminin, une hiérarchie qui signale que les valeurs portées par le pôle masculin sont considérées comme supérieures à celles portées par le pôle féminin.

Le comportement perçu des femmes

Au-delà de la valeur perçue, on rencontre encore la problématique du comportement perçu des femmes. Une femme brillante est automatiquement stéréotypée d’antipathique avec comme besoin de pousser la concurrence du haut de la falaise pour réussir. Et lorsque les femmes essaient de réussir ou de jouer dans la même cour, il y a toujours des hommes qui sont là pour leur rappeler qu’elles ne sont pas à leur place.

En mars 2019 une sportive a été arrêtée par les organisateurs lors d’une course. La raison ? Elle se rapprochait trop du peloton masculin qui avait commencé 8min avant celui des femmes. 

On en conclut que les attentes sociales vis-à-vis des femmes n’ont jamais été celles de challengeuses ni de gagnantes. Les femmes seraient donc prédestinées à toujours occuper la seconde place.

Les conséquences sur l’égalité homme femme

Les conséquences de cette différenciation sont multiples. On en trouve trois principales : sur la carrière, dans les représentations, mais aussi sur la santé.

Les conséquences sur la carrière

Aujourd’hui, on considère encore que le travail d’une femme est moins qualitatif que celui d’un homme ou qu’elle n’a pas l’attitude attendue. Les femmes atteignent des postes moins prestigieux et sont moins bien payées parce que :

  • La socialisation différenciée et les stéréotypes renforcent l’idée qu’une femme ne peut pas être ambitieuse et qu’elle n’a pas les capacités pour y arriver.
  • Les femmes sont obligées de travailler plus pour réussir.
  • Quand elles mettent tout en œuvre pour y parvenir, les systèmes de recrutement et de promotion retardent leur progression.

Les conséquences sur les représentations

Dans les représentations collectives et les espaces publics, les femmes sont majoritairement représentées au second rôle, que ce soit dans les fictions ou dans la réalité. Notamment dans le monde de l’entreprise, où l’on retrouve encore des offres d’emploi genrées. On recherche un directeur et son assistante ou un responsable de rayon et une caissière.

Les conséquences sur la santé

Pour certaines femmes, la pression du travail peut conduire à l’abus de médicaments améliorant les performances. Dans une analyse des ordonnances pour le traitement contre les Troubles et Déficit de l’Attention, les chercheurs ont constaté que la consommation de ces médicaments chez les jeunes femmes avait augmenté. 

Il est donc urgent de transformer nos schémas de pensée pour permettre aux femmes d’obtenir la place que leurs capacités méritent.

Favoriser la valorisation des femmes

Il y a un fondement de notre société duquel découlent tous les leviers d’actions que nous pouvons stimuler : le «male gaze». Ce terme traduit en français par “vision masculine” désigne le fait que la culture dominante impose au public d’adopter le regard de l’homme blanc hétérosexuel.

Dans une culture où les capacités des femmes ne sont pas respectées, il est impossible qu’elles apprennent efficacement, qu’elles progressent, qu’elles dirigent ou qu’elles participent à la société de manière épanouissante. Alors, comment faire en sorte que le male gaze ne soit plus la norme établie ?

Assurer la diversité des leaders

Il faudrait commencer par renforcer la diversité des dirigeants dans tout type d’institution. En entreprise, il faudra se concentrer sur la diversité des managers et des membres des comités de direction

La diversité offre un point de vue beaucoup plus large avec plus de nuances et de respect des différentes perspectives.

Revoir l’intégralité des systèmes

Aujourd’hui, il faut comprendre que le principe d’égalité des chances n’existe pas réellement dans nos sociétés et qu’il faut revoir l’intégralité de nos systèmes (recrutement, promotions, subventions…)

Lutter contre les discriminations

Les entreprises ne devraient plus ignorer les discriminations. Il n’y a pas que les femmes qui doivent soutenir les femmes quand les dirigeants ont la responsabilité de s’exprimer.

Il est important de permettre aux femmes de suivre de brillantes études si elles le souhaitent et qu’elles en ont les compétences. La connaissance est la source de l’émancipation. Comme le dit Ben Barres, « En ce qui concerne la partialité, il semble que le désir de croire en une méritocratie est si puissant que tant qu’une personne n’a pas fait elle-même l’expérience d’un préjugé qui nuit à sa carrière, elle ne croit tout simplement pas qu’il existe.»