Tous les RH la connaissent cette frustration de voir partir encore un autre talent que l’on a accueilli, intégré, formé puis accompagné dans son évolution professionnelle. Effet domino ne se fait pas attendre : les coûts des recrutements grimpent, la productivité baisse, les problèmes d’organisation liés aux postes vacants se multiplient et l’engagement plonge. Les employeurs dont le turnover ne cesse d’augmenter doivent se remettre en question pour stopper l’hémorragie.

Le turnover à la loupe

Plusieurs raisons peuvent amener un collaborateur à perdre son engagement et rechercher de nouvelles opportunités. En revanche, une vague de départ ou taux de turnover exponentiel n’est pas anodin. Parfois, les causes plus difficiles à déterminer font perdurer le fort taux de turnover. Alors comment en identifier les facteurs déterminants ?

Portrait-robot des déserteurs

Parmi quels groupes de salariés observez-vous le plus grand turnover ? S’agit-il de cadres, de jeunes salariés ou d’employés sur le terrain ? Chacun aura ses raisons pour quitter un poste. La bonne nouvelle est que les causes du turnover pointent vers des solutions liées à la gestion de talent. Cette dernière peut être partagée en deux temps : l’immédiat du quotidien de travail (QVT, flexibilité horaire, droit à la déconnexion, engagement, style de management) et l’anticipation de l’avenir professionnel du salarié (rémunération, intérêt des missions, montée en compétences et mobilité interne).

Tout est une question de timing

Cette maxime invoquée pour d’autres événements de la vie pourrait bien s’appliquer au turnover. Quand est-ce que les salariés quittent l’entreprise ? Une nouvelle recrue qui quitte l’entreprise après quelques jours peut trahir une phase d’onboarding peu engageante. Selon une enquête menée par le cabinet de conseil Robert Walters, 43% des sondés ont reçu un processus d’intégration décevant, voire inexistant, lors de leur prise de poste. 

Un départ avant la fin de la période d’essai peut révéler un décalage entre la présentation de l’entreprise et du poste faite par le recruteur et la réalité du quotidien. Quand on sait que le coût d’une erreur de recrutement oscille entre 100% et 150% du salaire annuel du poste, il vaut mieux se pencher sur le sujet. 

Les soft skills conviennent-ils au poste ?

Dans 9 cas sur 10, un échec de recrutement est lié à l’incompatibilité entre les soft skills du collaborateur et le job. Si votre processus de recrutement ne permet pas d’identifier les compétences comportementales, les traits de caractère et les motivations de vos candidats, il y a plus de chances que la nouvelle recrue écourte son séjour dans vos bureaux. Accompagner l’entretien d’un test psychométrique permettrait de détecter les soft skills adéquats et aussi d’éventuels points de vigilance. Pas forcément défavorables au recrutement, ces détails sont à transmettre au N+1 afin qu’il ou elle puisse en tenir compte.

 

Pour éviter les erreurs de casting, mettez toutes les chances de votre côté dès le début de processus de recrutement. Optez pour la cooptation. En effet, cette méthode de sourcing repose sur la recommandation de candidats par vos collaborateurs. Qui mieux que ces
derniers peuvent identifier les soft skills des connaissances qu’ils proposent et juger de leur capacité à s’adapter à votre entreprise ?

Votre QVT est-elle au beau fixe ?

Puisque le travail occupe le plus clair de nos journées, il est important qu’il se fasse dans des conditions qui conviennent aux attentes des collaborateurs et propices à la performance. 81% des Français aimeraient un mode de travail plus flexible. Même après y avoir été contraint pendant plus d’un an, le télétravail reste un désir cher des collaborateurs même s’ils s’accordent sur une alternance avec des jours de présence au bureau.

Avez-vous conscience des besoins de vos collaborateurs ?

Qu’on se le dise, l’engagement et la QVT sont une affaire personnelle. Un effet intensifié par la crise sanitaire et auparavant par la dématérialisation des processus, les collaborateurs associent de plus en plus la QVT et leur performance à leur bien-être personnel. Selon une enquête de l’Ifop, un programme dédié à leur santé physique et mentale boosterait l’engagement de 65% des actifs, cette proportion monte à 73% chez les managers.

La transparence est de mise, rien ne sert de peindre un portrait flatteur de l’entreprise si au fond les good vibes n’y sont pas : 58% des cadres s’accordent à dire qu’une des causes principales de leur départ est le décalage entre le poste présenté et la réalité. On peut trouver des moyens de sécuriser le recrutement par la QVT en prenant le pouls de l’engagement des collaborateurs par une enquête interne peut révéler des axes d’amélioration.

Comment se portent vos méthodes de management ?

“On rejoint une entreprise, on quitte un manager”, cette maxime est-elle d’actualité au sein de vos effectifs ? Vos collaborateurs manquent de motivation ? 52% des salariés trouvent que leur manager ne force pas l’admiration et 37,8% trouvent qu’ils ne sont pas entendus. Du côté des cadres, 53% seraient partis avant la fin de la période d’essai des suites d’un management inadapté. On a clairement mis le doigt sur quelque chose…

 

De toute évidence, la posture du manager et sa communication sont à revoir : plus d’un Français sur trois témoigne d’un manque de clarté dans les objectifs donnés. Fait édifiant chez les salariés cadres, 78% se plaignent d’un manque d’accompagnement par leur supérieur à leur arrivée. Il est urgent de changer le prisme du management : développer les soft skills, accueillir le feedback ou encore mettre en place la participation collaborative et des modes de travail asynchrones, plus adaptés au télétravail.

 

De l’autre côté, on observe une tendance chez les salariés à se détourner des postes de management. Contraint dans une logique de progression classique, il est normal que l’engagement de ces récalcitrants du management soit en berne et qu’ils souhaitent changer d’employeur. Que leur proposez-vous ?

 

Êtes-vous un employeur juste ?

Connaissez-vous la notion de justice organisationnelle ? Ce concept consiste à maintenir le contrat psychologique établi entre l’employeur et le salarié à son embauche. La justice organisationnelle a plusieurs itérations. Un collaborateur peut se sentir lésé en se rendant compte d’une inégalité de salaire (justice distributive) ou invisibilisé par le management (justice procédurale) ou maltraité verbalement par ses pairs ou la hiérarchie (la justice interactionnelle). Voici un exemple d’injustice procédurale, qui tarder à se manifester la rendant plus difficile à détecter : un collaborateur reprend les responsabilités d’un manager ayant été mobilisé ailleurs sans pour autant accéder au titre de poste vacant. Au bout de 6 mois, le poste est rempli par un recrutement extérieur et la personne qui s’en était occupée tout ce temps n’en reçoit aucune compensation ou reconnaissance de la part de la hiérarchie. Elle a deux options : réclamer une reconnaissance ou quitter l’entreprise à pour une opportunité où elle se sentira plus valorisée.  

 

“Le sentiment de justice est en effet l’un des besoins fondamentaux de la personne au travail. Dans l’entreprise, nous sommes  dans un lien de subordination, nous perdons un peu de notre liberté. En échange, nous attendons des contreparties, monétaires ou symboliques,” explique Thierry Nasidic, professeur en comportement organisationnel à l’EM Lyon Business school

 

En ignorant cette dimension psychologique, l’employeur laisse s’installer la frustration du salarié dans le temps. L’usure du quotidien de travail peut pousser les désillusionnés à se désengager, voire à tenter de nuire à l’entreprise.

10 conseils pour un recrutement et une QVT anti-turnover

Optimiser son processus de recrutement

  • Faire une présentation transparente de son entreprise. 
  • Détailler les missions et le quotidien du poste pour éviter les mauvaises surprises. 
  • Révéler le potentiel, les soft skills et les attentes des candidats dès le recrutement par un test psychométrique. 
  • Concocter un “welcome pack” qui colle à la culture de l’entreprise (plan du siège, lectures inspirantes, goodies et accessoires brandés utiles).
  • Briser la glace de l’onboarding par un petit-déjeuner ou un repas d’accueil et la mise en lien avec un salarié référent.

Soigner sa QVT

  • Lancer une enquête en interne pour faire un état des lieux de la satisfaction des salariés et communiquer sur les axes d’amélioration.
  • Évaluer les risques physiques et psychosociaux afin de mettre en place des stratégies de prévention.
  • Former au management par la confiance, propice à la prise d’autonomie et aux modes de travail hybrides. 
  • Proposer des sondages en interne lors d’une prise de décision qui risque d’impacter la vie des collaborateurs.
  • Miser sur l’outboarding en interrogeant ceux qui partent pour améliorer votre gestion de talents. Voir le départ d’un collaborateur comme une trahison c’est so 2018 ! Accompagner un collaborateur en partance c’est soigner sa marque employeur et rester ouvert à un éventuel retour dans des conditions favorables.